mardi 14 mai 2013

Moise Albert Njambe:"En démocratie on ne se querelle pas n’importe comment "



"En démocratie on ne se querelle pas n’importe comment "

Moise Albert Njambe
Face à la déception vécue par les camerounais du fait de l’élimination précoce des Lions indomptables de la coupe du monde 2002, après une gestion  controversée, situation aggravée par l’immaturité dans la préparation du double scrutin initialement prévu le 23 juin le baroudeur de la société civile était face à la presse nationale et internationale le 22 juin dernier. Le thème de l’entretien était "maturité démocratique et condition du succès des élections de juin 2002 : la prise de position de la société civile". Après le report de ces élections par le chef de l’Etat pour le 30 prochain, la Tribune d’Adama est allée à la rencontre du président national de Sos Dialogue. Dans l’interview vérité, il nous a accordé le Dr Njambè apprécie le processus démocratique africain, la justice camerounaise, condamne la violence d’où qu’elle vienne. Lire 
La Tribune d’Adama : Dr Njambè, les camerounais choisiront dimanche prochain leurs conseillers municipaux et leurs députés. Pouvez-vous nous expliquer les enjeux de ce double scrutin pour lequel on se bat déjà à Balikumbat ?
Dr Njambè : la question électorale est cruciale et reste le fondement des enjeux démocratique car, elle est au cœur de la crise du pouvoir par une légitimation populaire. Elle permet au citoyen de confier leur destin à des représentants durant une durée déterminée c’est aussi l’occasion donnée au groupe les plus vulnérables, les plus insignifiants d’exprimer leur point de vue sur la tentions que ces dirigeants leur ont ou non porté.
C’est le lieu  de sanctionner des dirigeants sortants ou candidats entrants qui n’ont pas travaillé, ni construire les routes, qui les ont abandonné sans médicaments, sans nourriture. C’est le lieu de dire non à tous les candidats qui ont pour une raison ou pour une autre, ont trahi la confiance à eux accordée dans leur vie de tous les jours ou lors des dernières consultations.
LTA : Dr Njambè, si l’on vous demandait d’apprécier la maturité politique africaine, quel bilan dresseriez-vous ?
Dr Njambè : tenter de parler du bilan des années de démocratie en Afrique est une tâche fastidieuse à laquelle nous ne pouvons souscrire en quelques minutes.
Disons en général  que le bilan semble à tous les points de vue discutables. La maturité suppose une phase de naissance,  dirait-on de reconnaissance, que nous situons dans les années 90. Une phase de croissance qui à nos yeux reste en cours dans la plupart des pays, et une phase de maturité dans laquelle se trouvent le Sénégal, le Mali, l’Afrique du Sud, le Ghana, et bien d’autres. La position de maturité peut s’annoncer très tôt. Une telle position doit être défendue, entretenue, renforcée. C’est une quête permanente.
Il faut tout de même dire qu’alors que nous espérons voir la plupart des démocraties africaines toquer à la porte de la maturation, l’on assiste à des troubles de puberté ça et là, à un nanisme démocratique ou un retard de croissance par ci, par là à des  reculs démocratiques donnant lieu  à des systèmes  autocrato-démocratiques  conduisant fatalement à des guerres civiles  et à la violence,  politique.
De l’autre côté, l’impatience des opposants et  la démagogie de certains de leurs leaders, les conduit à recouvrir à la violence, quitte à mettre  leur nation à feu et à sang.
On assiste à une crise de légitimité découchant sur un cercle vicieux. Les lois devant définir les règles du jeu consensuel sont prises unilatéralement par les gouvernants à la légitimité contestée qui se servent des institutions querelles qu’ils dominent pour légaliser et donner autorité aux dites lois. Par ailleurs les oppositions africaines sont promptes à refuser le verdict même dans les conditions d’équité et ce avant même de concourir. Les parlementaires contestant les règles du jeu, la compétition  est viciée dès le départ. L’on assiste soit à la défection d’office des concourants, d’où de nombreux boycotts avant la compétition ou alors à des protestations bruyantes entrainant parfois des actions de violence.
Le problème fondamental de la démocratie est la combinaison de l’entente et de la contestation.
LTA : Dr Njambè, samedi dernier déjà, vous étiez face à la presse au Hilton hôtel de Yaoundé pour une conférence sur le thème : « Maturité démocratique et conditions de succès des élections de juin 2002 au Cameroun : la prise de position de la société civile ». Quelle réaction vous inspire la décision du Chef de l’Etat de reporter ce double scrutin ?
Dr Njambè : La décision du Chef de l’Etat de reporter ces élections traduit bien l’urgence et l’opportunité qu’il y avait. 24 heures à l’avance, à attirer  l’attention, de l’opinion publique nationale et internationale sur les appréhensions nées du désordre  général enregistré autour de l’organisation de ces  deux élections dimanche derniers. A la lecture des coupures des journaux, au regard des accusations émanant des différents acteurs de la vie politique et selon les informations parvenues à l’observatoire de Sos Dialogue, il y a lieu de relever que ce scrutin ne pouvait pas se tenir dans les conditions optimales telles que souhaitées dans une démocratie dans ce délai du 23 juin.
LTA : Quelle lecture Sos Dialogue et la Coordination africaine de la Société civile font-elle de cette décision du Chef de l’Etat de cet échec qualifié par certains confrères de honte ?
Dr Njambè : Il faut dire d’abord que cette décision de report est hautement salutaire pour notre démocratie et pour la paix dans notre pays. Je voudrais saluer ici le courage du Président de la République, sa détermination à vouloir  rattraper  l’irréparable, nous étions là en face d’un titanic électoral. C’est donc un acte de courage que le chef de l’Etat a posé, lui qui a reconnu que son administration est incompétente, qu’il y a péril en la demeure. En relevant  certains hauts responsables de son administration et en les sanctionnant dans le future, le chef de l’Etat s’est dédouané, bien que cela n’enlève rien au fait qu’il s’agit là d’un scandale. C’est cette leçon d’humilité et de sécurité politique que toute la classe politique de mon pays doit retenir.
Nous demandons aux populations de ne pas prêter l’oreille à tous ceux qui voudront tirer profit de cette situation en les incitant à la violence, à la révolte et à la bagarre.
LTA : Certains confrères estiment que le Chef d’Etat  a sa part de responsabilité dans cet échec : d’autres vont plus loin en exigeant sa démission. Avez-vous un commentaire à faire sur ce sujet ?
Dr Njambè : Notre république est solide, nos institutions républicaines sont fortes. Si le chef de l’Etat était incompétent avec son équipe, alors tous les présidents des partis politiques de l’opposition le sont aussi. Car  après cinq années, ils ont été incapables de déposer la moindre liste de leurs candidats à temps. Ce qui laisse croire qu’ils étaient en fait pire s’ils étaient en charge de la gestion des affaires publiques. D’autres ont des députés accusés de trafic de drogue, la gestion de leurs mairies ne fut pas exemplaire, les fonds des micro-projets parfois détournés… etc. oui, nous sommes tous incompétents, ressaisissons-nous.
LTA : Le chef  de l’Etat a donc repoussé d’une semaine le déroulement de ce double scrutin, croyez-vous ce délai suffisant aux nouvelles autorités pour être à jour dimanche prochain au regard de toutes les difficultés relevées ?
Dr Njambè : Nous aurions voulu qu’on laissa plus de temps à la nouvelle administration pour qu’on puisse atteindre l’excellence dans l’organisation de ces consultations. Mais nous espérons que l’évaluation de la situation permettra à nouveau d’être à jour. Si cela n’était pas possible, il serait souhaitable de tous les partis politiques engagés dans le jeu électoral pour déterminer une date consensuelle avec des moyens financiers additifs conséquents, pour que le Cameroun triomphe de cette épreuve dont nous sommes collectivement responsables.
Aujourd’hui, les petits partis engagés dans cette compétition et leurs délégations respectives n’ont même plus de quoi manger dans les villages. Mais si l’administration, après avoir évalué froidement la  situation, dispose des moyens humains, financiers et matériels pour être à jour au 30 juin, ce qui suppose que tout le matériel électoral ait atteint les quelques 18.000 bureaux de vote de la république et en bon état, alors la date du 30 juin doit être maintenue. Je crois les  nouvelles autorités capables de relever le défi.
LTA : Cette décision de report paraît-elle suffisante pour rassurer le peuple camerounais ?
Dr Njambè : Nous l’avons déjà dit, la décision de report satisfait tout le monde. Toutefois, le peuple attend, non seulement que des sanctions soient prises, mais que toute la lumière soit faite sur les dérapages orchestrés. Nous croyons qu’il est temps de remettre les gens au travail ; que le chef de l’Etat prenne le mécanisme de la sanction non pas seulement pout cette affaire mais aussi pour d’autres pendantes. Car il se dessine comme une tendance générale à la démobilisation de l’administration à la course à l’argent, et ce chaos sans l’organisation électorale cache aussi des marchés donnés à des copains sur le dos de l’intérêt général. Je crois qu’il faut, à travers la presse et d’autres canaux que nous avons que l’on puisse dira la vérité au chef de l’Etat qui est déterminé à apporter la prospérité et la démocratie qu’il est en train de construire chaque jour.
LTA : Président et si l’on évoquait la question  du vieillissement de nos élites politiques et de nos cadres. Le président de l’Onel, le ministre de l’Administration territoriale et le premier ministre ont été tous évacués laissant la république sans garde. Et l’actuel ministre d’Etat secrétaire général à la présidence était déjà en charge du dossier électoral.
Dr Njambè : Votre question, aussi pertinente qu’elle soit, m’amène à vous dire que nous avons pas assez de recul sur cet évènement. Nous avons ouvert à Sos Dialogue l’Observatoire des Observatoires et tout le monde qui a une idée autour de ce sujet est le bienvenu pour que nous puissions apporter à notre manière des informations permettant de contribuer davantage à la manifestation de la vérité. Mais la nomination des personnes d’un certain âge ne disposant pas d’une bonne santé à des hautes fonctions de la république, est susceptible de manière directe ou indirecte à créer ce genre de situation. Il ne faut pas confondre un cas de maladie à la vieillesse. Son Excellence monsieur le Premier ministre  est jeune, fort et a été victime d’une maladie. Vous-mêmes et moi, nous sommes jeunes et forts mais un homme en santé n’est-il pas malade qui s’ignore. Il y a des vieux robustes, bien portants et lucides. Ce faisant, je voudrais bien dire que les services de renseignements devraient avertir la haute autorité sur les cas d’un certains nombre de vieux serviteurs de l’Etat. Nous savons qu’il y a d’autres qui disposent d’un état de santé plus compétitif que celle des jeunes, qui font du vélo  chaque fois qu’ils peuvent,  qui sont toniques. Nous ne disons pas qu’il soit nécessaire d’engager un conflit entre les jeunes et les vieux. Mais nous disons qu’il faut bien aller vers le rajeunissement des élites quelles que soient les tares et la déception que les jeunes d’aujourd’hui offrent à cette république. Ils sont des milliers comme cela dans l’administration qui nous déçoivent. Malgré tout, nous disons qu’il y en pas une autre  solution que d’avancer vers le rajeunissement de la classe administrative de ce pays.
La tribune n°018 de Juin 2002

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